Entreprise 2.0 - Coordination et coopération dans l’entreprise réseau

Avec l’avènement du web 2.0, les processus de coordination et de coopération en entreprise s’émancipent progressivement de la tutelle des relations hiérarchiques classiques, inadaptées au rythme des évolutions de l’économie de la connaissance.


Dans la « logique de la liberté », Michaël Polanyi, épistémologue des systèmes auto-organisés, développe l’idée que les ordres mono centriques, où les individus sont soumis à une autorité unique, ne peuvent gérer une aussi grande quantité d’information que les ordres polycentriques, où chaque individu reste un centre de décision libre.
 

1- Les limites de l’ordre organisé des hiérarchies d’entreprises

Dans les entreprises traditionnelles, c’est le plus souvent la hiérarchie qui assure la coordination, la distribution des tâches se faisant sur un mode séquentiel basé sur la division du travail, chacun intervenant successivement dans le processus comme dans une course de relais.

S’agissant de diriger l’exécution de tâches complexes et évoluant rapidement, un manager ne peut habituellement contrôler plus de 5 à 7 personnes. Cette limite est imposée par le fait que le nombre de relations significatives devant être régulées croît très vite avec le nombre de subordonnés, de telle sorte que le nombre de ces relations et la cadence à laquelle elles doivent être redéfinies dépasse rapidement les capacités d’un seul esprit humain. Un dirigeant d’entreprise ne pouvant donner d’ordres directement à plus de 5 à 7 collaborateurs, il lui faut alors pour coordonner un ensemble plus grand, le hiérarchiser en niveaux successifs de management intermédiaire et de proximité.
 
La structure classique de management et de coordination des organisations est alors généralement déterminée par le fait que le nombre de subordonnés placés sous les ordres d’un supérieur hiérarchique ne doit pas excéder les capacités de contrôle de celui-ci. Il en résulte qu’une organisation traditionnelle ne peut croître qu’au prix de l’ajout à la pyramide de nouveaux degrés hiérarchiques d’encadrement intermédiaire. Ce qui coûte très cher et alourdit considérablement la structure de coordination.
 

2- L’adhocratie et ses îlots de coopération

Remettant en cause les décisions encadrées par des règles et procédures trop rigides, Warren Bennis définissait dès 1968 une forme d’organisation baptisée « adhocratie » (i), qui réunit des conditions structurelles et pratiques plus favorables à la coopération et à l’innovation. Possédant de nombreuses propriétés d’un réseau, elle met en avant les comportements représentatifs de sujets autonomes.
Le mode de coordination mis en avant par Bennis et repris à sa suite par Mintzberg (ii) est basé sur la réciprocité, l’ajustement mutuel, et la coopération. Il se caractérise par des relations de travail peu formalisées au sein de petites équipes. Son fonctionnement est le fruit d’interactions constantes. Il privilégie le mode projet et a inspiré le modèle de l’ingénierie concourante.
 

3- L’avantage adaptatif des organisations polycentriques

Google et les entreprises dites 2.0 ont franchi un cap supplémentaire en adoptant un mode de coordination résolument communautaire
Ce mode de coordination collaboratif s’appuie sur des acteurs autonomes qui partagent des ressources et des informations communes. L’information distribuée grâce à la technologie au sein de l’entreprise permet à chacun d’ajuster ses comportements, tant aux attentes de l’entreprise qu’aux capacités de ses collègues, et ceci en l’absence de toute intervention hiérarchique.
 
A l’instar de Google, le modèle d’organisation et de coordination mis en place dans les entreprises 2.0 illustre les théories de Michaël Polanyi. Il repose néanmoins sur un subtil équilibre entre ordre spontané et organisation délibérée, ce que nous verrons dans un prochain billet,.
 
 
(i) Warren Bennis est aujourd’hui considéré comme l’inventeur du terme adhocratie. L’adhocratie est un néologisme (venant du terme « ad hoc ») utilisé pour désigner une configuration organisationnelle qui mobilise, dans un contexte d’environnements instables et complexes, des compétences pluridisciplinaires, spécialisées et transversales, pour mener à bien des missions précises (résolution de problèmes, recherche d’efficience en matière de gestion, développement d’un nouveau produit…). L’expression « ad hoc » indique que les personnes choisies dans l’organisation travaillent dans le cadre de groupes-projets peu formalisés qui bénéficient d’une autonomie importante par rapport aux procédures et aux relations hiérarchiques normalement en vigueur et dont le mécanisme principal de coordination entre les opérateurs est l’ajustement mutuel.
(source : Théorie et management des organisations – Dunod)
 
(ii) Dès 1968, Bennis publie son premier ouvrage intitulé The tempory Society, à partir duquel il développe sa vision du développement des organisations vers des structures de type adhocratiques relativement plates, peu hiérarchisées, fondée sur les projets et les compétences des salariés.
 
A lire également (cliquez sur le lien) :
 
L’envie au travail : un frein pour l’entreprise collaborative ?
Management 2.0 : les vertus des petites équipes
Leadership en zone d’incertitude : l’exemple des Forces Spéciales
 
Pour aller plus loin
– James D. Thompson – Organizations in Action – New York: McGraw-Hill 1967
– Henry Mintzberg – Structure et dynamique de l’organisation – Ed d’Organisation 1982
– Michaël Polanyi – La logique de la liberté – PUF 1989

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