Organisation intégrative et management 2.0

La semaine dernière s’est tenu un petit déjeuner autour du management 2.0 et de l’entreprise collaborative avec comme intervenants Michel Hervé auteur du livre De la pyramide en réseau et Jean Pralong.

 
Voici la première partie des deux parties du compte-rendu de leurs interventions.

Michel Hervé nous propose de comparer 2 modes d’organisation : l’organisation classique dite « délégative », par opposition à l’organisation mise en place au sein de son groupe : l’ organisation intégrative .
 

L’organisation « délégative »

 
 
Michel Hervé propose une description du modèle traditionnel de l’organisation « délégative », basé sur une structure pyramidale. Ce modèle classique, décrit par Henry Mintzberg, comprend 5 composantes essentielles :

  • La Direction, chargée de définir la stratégie et les objectifs et de les imposer de façon autoritaire.
  • La chaîne hiérarchique, chargée de transmettre et de veiller à l’exécution de ces objectifs.
  • La base opérationnelle, qui exécute les décisions prises au sommet.
  • La technostructure, chargée d’élaborer et de faire appliquer les normes qui régissent l’organisation ainsi que les procédures et processus de travail.
  • L’appareil logistique, qui fournit les moyens de réaliser les objectifs.

 
Dans les organisations « délégatives », le pouvoir est réparti parmi les différents acteurs décrits précédemment de la façon suivante :

  • Le pouvoir légitime est détenu par la direction
  • Le pouvoir de position est détenu par la ligne hiérarchique
  • Le pouvoir des moyens est détenu par l’appareil logistique
  • Le pouvoir d’influence est détenu par la technostructure

 
Ce modèle a montré les limites de son efficacité pour les raisons suivantes :

  • La direction est déconnectée des réalités du terrain.
  • La hiérarchie, simple intermédiaire entre la source du pouvoir et les exécutants, éprouve une importante frustration qui provoque des rivalités entre pairs.
  • La base opérationnelle est soumise à une multitude d’autorités et ne fait qu’exécuter. Cela conduit à une inhibition totale de sa créativité et à une robotisation « déresponsabilisante ».
  • La technostructure a besoin de faire reconnaitre son expertise et d’imposer des normes. Son pouvoir vient de son expertise et non de sa position.
  • L’appareil logistique détient le pouvoir des moyens et cherche ainsi à tout négocier tout en mode « donnant-donnant »

Ce modèle est selon Michel Hervé, totalement incompatible avec la culture du Web 2.0. En effet, la vision stratégique et les objectifs de l’organisation sont définis par le sommet et imposés de façon autoritaire. Or cette contrainte contribue à limiter considérablement la prise de risque individuelle et l’innovation.

Parallèlement, la collaboration est généralement imposée ainsi que les méthodes de travail et les moyens logistiques et les rivalités engendrées par le système hiérarchique créent des conflits et des concurrences. Michel Hervé nous explique qu’en dépit de ces constats, le modèle pyramidal n’existe pas à l’état pur. Les acteurs compensent les lacunes du système par des pratiques « correctives ». Il évoque le système d’ « adhocratie » : des équipes ad hoc sont constituées, réunissant les compétences nécessaires à la résolution d’un problème donné.

Ce type de comportement tend à se rapprocher des usages du web 2.0 ; néanmoins, il circonscrit de fait la créativité et l’empêche de s’étendre à l’organisation dans son ensemble. Le système pyramidal n’est pas remis en cause ; il tolère au mieux ces formes marginales de coopération, ces dernières ne perturbant pas réellement l’organisation hiérarchique ou la définition de la stratégie par le sommet. C’est face à ce constat que Michel Hervé a mis en place un modèle d’organisation intégrative.
 

L’ organisation intégrative

 
Par opposition au modèle de l’organisation « délégative », il s’agit d’une structure en réseau dans laquelle les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont un puissant levier.
 
Identité et communautés
 
Cette nouvelle forme d’organisation repose sur les notions d’identité des acteurs et de multi-communautés. L’organisation se construit avec des acteurs individualisés et non plus sur un modèle pyramidal.
Chaque acteur construit sa singularité à travers son appartenance à de multiples communautés. L’individu exerce ainsi plusieurs fonctions au sein de l’organisation et apporte au groupe, grâce à ses activités extérieures, la créativité dont l’organisation a besoin. Or le web 2.0 facilite l’appartenance à plusieurs communautés.
 
Pouvoir et rôle de la hiérarchie
 
Le pouvoir est désormais partagé. Le pouvoir légitime qui était détenu par la Direction n’est plus légitime. Tous les acteurs sont autonomes et partagent la responsabilité des projets auxquels ils participent ; ils échappent à la pression hiérarchique. Ainsi, l’objectif global représente la somme des objectifs individuels au sein d’un groupe de coopération.

Chaque acteur tient compte des stratégies de ses pairs au niveau d’un métier, d’un territoire ou de l’entreprise entière, pour construire sa propre stratégie, ce qui est rendu possible grâce aux outils 2.0. Le web 2.0 élargit l’espace et réduit le temps : chacun a une vision des actions des autres membres du groupe de coopération et dispose d’indicateurs sur sa propre action temps réel. Ainsi le sens de l’action est plus évident pour tous et la stratégie globale devient plus cohérente.

Les notions de pouvoir et de responsabilité ont ainsi radicalement évolué. Les équipes s’autoorganisent pour atteindre leurs objectifs et s’autorégulent.
Le rôle du manager évolue nécessairement dans ce type d’organisation. Le manager devient le catalyseur des éventuels conflits, l’harmonisateur et l’animateur d’une équipe. Il doit trouver une nouvelle légitimité, une légitimité du terrain et non plus de position.

L’espace est désormais ouvert à la critique ; les tensions doivent pouvoir s’exprimer pour être évacuées. C’est en ce sens que le manager doit apprendre à abandonner son rôle d’organisateur pour laisser place à celui d’animateur. Il devient le chef d’orchestre : sa performance dépend intégralement de celle de ses musiciens. Il s’évalue ainsi par rapport au groupe qu’il dirige.
 
La décision participative
 
Le processus de décision s’en trouve inévitablement impacté ; il devient « participatif ». La mise en place d’un tel processus suppose:

  • Une définition claire du périmètre du groupe (qui sont les participants)
  • Une définition claire des questions à traiter et /ou à résoudre
  • Une définition claire des modalités de décision
  • L’élimination des mauvaises solutions
  • Le choix d’une solution consensuelle
  • Une argumentation soignée des choix. Cette argumentation est essentielle dans un système participatif dans la mesure où il ne repose pas sur une autorité légitime.
  • Une auto-évaluation : l’individu doit pouvoir s’auto évaluer, au regard de l’objectif qu’il s’est fixé.
  • Une remise en question des solutions adoptées afin de les amender si besoin.

 

Les conditions de réussite d’une organisation intégrative

 
La mise en place d’une organisation intégrative, et d’un travail collaboratif ne peut réussir et fonctionner durablement qu’à trois conditions :

  • La confiance en soi. On ne se construit pas seulement à travers l’image que nous renvoient les autres, mais en se projetant dans l’avenir et en mesurant sa capacité à atteindre des objectifs auto-fixés. Cela implique de pouvoir développer des outils d’autogestion.
  • Le respect des autres. Il s’agit de savoir conserver une part de doute en toutes circonstances (« l’incompétent est celui qui ne doute jamais de lui-même » selon M. Hervé et de savoir écouter ceux qui nous entourent.
  • Donner confiance aux autres. Il s’agit de mettre en place une communication active dans laquelle on définit et expose sa singularité. Les outils de communication actuels décuplent les possibilités pour mettre en place cette communication et favorisent la créativité. Ces « gains de créativité » n’existent pas dans des systèmes classiques.

 
Les risques de ce nouveau modèle de management
 
La mise en place de ce type d’ organisation intégrative peut conduire à une perte de compétitivité dans un premier temps.
Par ailleurs, le travail collaboratif et l’utilisation d’outils 2.0 exposent davantage l’organisation à la critique puisqu’elle favorise l’expression d’une opinion publique. En ce sens, elle peut être dissuasive. Néanmoins, Michel Hervé souligne que lorsqu’il y a critique, il y a systématiquement une contre-critique qui émerge.

Bientôt la deuxième partie de cette conférence avec L’intervention de Jean Pralong
 
A lire également sur le management 2.0 et l’ organisation intégrative:
 
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1 Comments
  • Excellent! Facile à lire, facile à comprendre et à intégrer!

    Par contre, à mon avis, la confiance en soi, le respect des autres, et donner confiance aux autres risquent fort d'être les plus gros freins à ce genre de modèle d'organisation. En effet, très peu de gens possède naturellement ces compétences, surtout la troisième.

    Elle peuvent s'acquérir, mais au prix d'un effort personnel énorme, que peu de gens accepteront de faire.

    N'oublions pas que pour une grosse partie de la population active, la raison pour laquelle ils vont au boulot tous les jours n'est pas la possibilité de se réaliser, mais bien de gagner sa croute à la fin du mois!

    Et dans cette optique pourquoi devraient-ils tout d'un coup changer autant dans leur comportement alors que l'organisation les a jusqu'à présent acceptés comme ils sont ....

    Reply
    20 juin 2008 at 12 h 13 min
    Posted by Xavier

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