Le sentiment d'envie : un frein pour l’ entreprise collaborative ?

Les difficultés à migrer vers l’entreprise collaborative sont traditionnellement rattachées à la question du pouvoir dans l’entreprise, et singulièrement à la rétention d’informations vue comme une source de ce pouvoir. Mais ne faudrait-il pas aussi prendre en compte d’autres sentiments humains comme l’ envie et la jalousie.

1- L’ envie reste la face obscure de la vie au travail

Alors que le pouvoir, a été étudié tant par les sociologues des organisations (Crozier) que par les théoriciens du management (Mintzberg), l’ envie reste encore la face obscure de la vie au travail.
Sa présence dément l’idéologie managériale optimiste, qui pense que chaque être humain est spontanément prêt à collaborer, et à donner le meilleur de lui-même dans le cadre de l’entreprise.
L’ envie, quand elle se manifeste est à l’origine de nombreux dysfonctionnements et comportements agressifs voire destructeurs, ou a contrario peut conduire à une démotivation et au retrait des salariés.
Cette émotion taboue révèle l’envers du décor dans une société qui valorise sans cesse la performance, la compétition et la réussite.
Loin d’être strictement individuelle, elle  peut gagner une équipe et se jouer entre entités d’une même organisation. Dans le pire des cas, l’ envie peut devenir un phénomène de groupe qui gagne toute l’entreprise et constituer un frein important à la conduite du changement.
 

2- Certains systèmes de management favorisent plus le développement de l’ envie au travail

Certains systèmes de management sont plus que d’autres propices au développement systématique de l’ envie. Notamment ceux dans lesquels :

  • L’évaluation de la performance est ramenée à un petit nombre de critères quantitatifs (CA, marge, …)
  • Tout le monde est évalué sur les mêmes critères et la mesure de la performance est avant tout individuelle
  • La compétition interne est organisée, valorisée, voire mise en scène par le management
  • Les rétributions sont essentiellement individuelles et les limites des objectifs sont sans cesse repoussées
  • La direction met systématiquement en avant quelques individus au détriment du plus grand nombre
  • Les possibilités d’évolution sont très limitées et liées au pouvoir discrétionnaire du patron (favoritisme)
  • Il y a un décalage important entre les règles et valeurs affichées et les règles réelles qui permettent d’évoluer

 

3- L’ entreprise collaborative ne peut faire l’impasse sur le sentiment d’ envie au travail

Aujourd’hui, la mise en place de réseaux sociaux d’entreprise, encourage la mutualisation et le partage de connaissances, en même temps qu’elle affaiblit le management intermédiaire, en faisant émerger une nouvelle génération dont elle valorise les contributions. Prendre en compte l’ envie permet d’éclairer sous un nouvel angle certains comportements observés de salariés refusant implicitement l’échange d’information, le partage de connaissances et la collaboration.
L’ envie  au travail constitue de fait un obstacle au développement de l’entreprise collaborative , fondée sur le partage et la collaboration. En survalorisant les représentants de la  génération Y,  l’entreprise 2.0 pourrait même être à la source de possibles conflits intergénérationnels.
 
Les systèmes de management génèrent nécessairement de l’ envie et de la frustration, parce qu’ils visent fondamentalement à évaluer et à classer les individus, et conduisent à mieux rémunérer et promouvoir ceux qui sont considérés comme les meilleurs.
Un des défis du management 2.0sera d’élaborer un système d’évaluation, de rétribution et d’évolution professionnelles, qui limite et canalise l’ envie au travail, et préserve l’entreprise de ses ravages potentiels.
 
Pour aller plus loin – Bénédicte Vidaillet – Les ravages de l’envie au travail – Eyrolles
 
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